Ce sont donc 53 participant(e)s qui se sont retrouvé(e)s au Beijing Conference Center, lieu de la compétition ; parmi eux, les numéros 1 à 6 des derniers championnats du monde et, faisant figure de favoris, Thomas Snyder (double champion du monde 2007/2008), Jan Mrozowski (double champion du monde 2009/2010) et Jakub Ondrousek, le bien connu spécialiste des grilles classiques et 2e des championnats du monde 2010.
19 mai : atterrissage à l'aéroport international de Beijing ; tout est planifié et je suis aussitôt conduit à l'hôtel - en route, récupération de Ritesh Gupta et de quelques autres personnes arrivées à Beijing plus tôt et qui logeaient jusque là dans un autre hôtel. D'emblée, cérémonie d'accueil (filmée) avec remise d'un livret relié comprenant tous les exemples ainsi qu'un plan du complexe hôtelier (immense), et le planning des jours à venir : parfait. Également, une trousse complète, un sac (bien vu), un t-shirt, etc. Le reste de la journée se partagera essentiellement entre repas et repos ; enfin, le soir, arrivée de mon compagnon de chambre, un mexicain habitant à Beijing... et parlant un bon français suite à un séjour au Québec, ce qui s'avèrera des plus pratiques, ma compréhension orale de l'anglais étant un peu faible par manque d'habitude.
20 mai : une bonne nuit de sommeil (peu reposant) plus tard, c'est parti pour une journée de visite des environs, avec au programme la muraille bien entendu, ainsi que quelques installations des derniers JO.
Just another (missing) brick in the wall...
La muraille ? Bof, ça ne vaut pas une bonne grille.
Un lapin géant... Oh pardon, on me dit que c'est un dragon.
Gloire soit rendue aux probabilités, je me retrouve assis dans le bus aux côtés de Gaurav Korde, Rishi Puri et Tom Collyer - l'occasion de mettre un visage et une voix sur nombre de messages échangés sur tel forum ou blog...
21 mai : jour 1 du tournoi. Belle salle, organisation excellente à l'exception des séparations entre joueurs/ses qui ont une fâcheuse tendance à se casser la figure. Je me retrouve voisin de Hideaki Jo, numéro 3 des WSC 2010. Le temps de se souhaiter bonne chance et le tournoi débute d'un coup de tambour...
Le lieu des événements ; à droite et à gauche de la porte, les écrans annonçant les résultats.
La même, vue de l'intérieur. Notez la séparation qui penche furieusement vers Florian Kirch.
- L'épreuve 1 (classiques) comprend 8 grilles à résoudre en 20'. Je coince sur la 7e en raison d'une erreur que je ne vois pas ; je la laisse de côté le temps de boucler la 8e puis reviens dessus, remarque enfin le problème mais n'ai pas le temps de la refaire. 85/100, un début assez faiblard mais je ne suis visiblement pas le seul à partir mollement (Jakub O : 74). Première anecdote : Tom Collyer boucle toutes les grilles dans les temps... Et se retrouve avec un score de 65 en raison de 3 erreurs. Le pauvre n'en restera malheureusement pas là...
- Épreuve 2 (variantes) : je la pensais à mon goût ; elle sera finalement la pire du tournoi avec 5 malheureuses grilles sur 8. Erreur sur l'Extra Region, évidence ratée sur l'Argyle... Décidément le départ manque de dynamisme mais l'épreuve 3 fait la part belle aux chiffres, je ne doute pas de mieux m'en sortir.
- Épreuve 3 (variantes) : une erreur sur le Kid Sudoku me coûte du temps, et j'inverse deux chiffres dans les cinq dernières cases du killer : je repère l'erreur mais le gong résonne... En théorie, j'aurais eu le temps de corriger le tir (5" auraient amplement suffi) avant qu'on ne ramasse ma feuille. Oui, mais... Et donc, 136/180. Particulièrement décevant.
- Épreuve 4 (classiques) : deuxième épreuve de classiques, cette fois en 30'. J'attends des grilles "difficiles" mais ne demandant pas plus que doublets/triplets/alignements : je ne suis pas déçu. Mais là encore, la 7e grille me coûte cher ; je coince, et l'épreuve 1 se répète : je résous rapidement la grille 8 avant de revenir à la 7 et de repérer l'erreur... Trop tard. 107/125 : je bénéficie toutefois du fait que peu de joueurs/ses ont vraiment bien joué.
- Épreuve 5 (variantes) : Certainement celle qui m'aura coûté le plus cher ; d'ailleurs, c'est l'épreuve sur laquelle je réalise le pourcentage de points le plus faible. Il en est de même pour d'autres joueurs bien placés (Jan M : 99, Jakub O : 119) alors que quelques-uns raflent la mise, Kota Morinishi en tête. L'épreuve comportait deux grosses grilles, un Lever Sudoku et un Dots Sudoku (respectivement 37 et 30 points). Rater les deux était synonyme d'épreuve sacrifiée : je me suis payé le luxe de faire plusieurs erreurs sur les deux. Je résous tout de même les 6 autres, mais la consolation est bien faible.
- Épreuve 6 (variantes) : Seulement 6 grilles, mais chacune mélange deux variantes. Une seule grille me rebutait, la Extra Region + Antichess dont je savais qu'elle pouvait être redoutable. Il eut été plus judicieux de me méfier de ma propension à faire des erreurs en cherchant à aller trop vite : je la plante donc, fais de même avec la Killer + Inequality, refais cette dernière mais pas la Extra Region... 128/160, et je termine cette première journée à la 11e place, le pied sur le mauvais barreau de l'échelle car seuls les 10 premiers sont qualifiés pour la demi-finale... L'épreuve 7, le lendemain matin, va donc s'avérer décisive. Un événement tout de même : au cours de l'épreuve 6 est signalé que l'une des grilles (Little Killer) possède un indice faux : le 23 donné devrait en effet être un 33. J'avais quant à moi déjà résolu la grille sans même regarder cet indice, mais plusieurs joueurs disent avoir été pénalisés, notamment Ulrich Voigt et Rishi Puri. Nous quittons la salle du tournoi sans savoir quelle décision sera prise à ce sujet.
22 mai : jour 2 du tournoi. Le matin est prévue la 7e et dernière épreuve préliminaire, celle que je dois à tout prix réussir - et pas à moitié. En effet, compte tenu des forces en présence, ma meilleure option est de compter sur le fait que Ulrich Voigt et Florian Kirch (en particulier ce premier), tous deux devant moi, ne sont pas des spécialistes des grilles classiques, et que je peux donc renouveler ce que j'avais déjà fait sur l'épreuve 4 - à savoir leur reprendre aux environs de 40 points. Ceci avec, planant, la menace QKV alias Klara Vytiskova, 12e à 8 points de moi et, elle, extrêmement rapide sur grilles classiques...
- Épreuve 7 (classiques) donc : 30', 8 grilles, l'équivalent de l'épreuve 4. Des grilles techniques demandant de la recherche mais pas d'hypothèses : mon point fort en matière de sudokus classiques. Je commence par la 3e, enchaîne jusqu'à la 8e sans difficulté. Il me reste plus de 11 minutes pour résoudre les deux grilles les plus faciles. Pas question de faire une erreur donc je me force à ralentir, boucle les grilles 1 et 2, alloue 30 bonnes secondes à vérifier les 8, puis rends ma feuille avec plus de 5 minutes de marge. J'ignore ce qu'ont fait Florian et Ulrich mais Klara n'a pas encore terminé (elle rend 1 minute après moi) : il suffit donc que je dépasse l'un des deux. Fin de l'épreuve, un peu d'attente avant que les résultats s'affichent... Et mon nom apparaît sur fond jaune, en 10e place. Avanti pour la demi-finale !
En fin de compte, Wei-Hwa Huang et Chen Cen décident d'intégrer les joueurs 11 et 12 à la demi-finale, incluant ainsi Klara et Ulrich en arguant de la grille "fausse" dans l'épreuve 6.
- Demi-finale : 50' pour 8 grilles dont 3 classiques. Curieusement, ayant peut-être atteint le niveau ultime du stress, je n'ai jamais été aussi détendu. Chacun(e) de nous est à une table, qu'il/elle partage avec un arbitre chargé de corriger les grilles dès la fin de l'épreuve, et de noter le temps au cas où le/la joueur/se terminerait en avance.
Tambour de départ, je débute par les grilles classiques, puis enchaîne avec le 0/9 Nonconsécutif. La variante me plaît, elle tombe toute seule. S'ensuit le Greater Sudoku, un peu lent, mais qui passe sans encombre. Je ne regarde pas le chronomètre mais je ne m'inquiète pas. Le Arrow Sudoku me demande un peu de temps - je repère les éléments importants mais ne les exploite pas judicieusement. Le Irregular est un jeu d'enfant, un rapide coup d'oeil au timer pour vérifier que conformément à mes estimations je dispose d'une grosse marge de manoeuvre, et je m'attelle au Killer. Pas réellement difficile, mais je candidate beaucoup trop. Du coin de l'oeil, je note que Jan et Jakub se tournent les pouces. Raté pour la finale, donc autant veiller à éviter les erreurs. Je conclus, vérifie tout, rends les feuilles à mon arbitre, regarde le chrono... Et réalise que j'ai maintenant un quart d'heure à attendre, vissé à ma chaise. J'aperçois Thomas qui en a également fini avant moi ; Kota m'est invisible mais au vu de sa performance de la veille, je ne m'inquiète guère à son sujet. Hideaki gratte, Florian souffle, et les autres (du moins ceux que je vois) semblent également occupés. L'un après l'autre, tout le monde rend sa copie à l'exception de Klara. Un peu d'attente supplémentaire pendant que les arbitres corrigent et rapportent le score de "leur" joueur au bureau central, puis c'est l'annonce des résultats - du 12e au 1er. Jakub et Jan écrasent la concurrence ; Kota et Thomas, au coude-à-coude, ont également une longueur d'avance sur les suivants. Je suis 5e avec 55" d'avance sur Ulrich Voigt ; le malheureux 12e étant Jan Novotny avec deux grilles fausses.
Pas de finale pour moi donc, mais tout de même une belle épreuve ; il aura fallu que j'attende le 2e jour et la 7e épreuve pour me réveiller, et être à point pour la demi-finale !
- Finale : 20' pour 4 grilles : classique/diagonale/consécutive/classique. Connaissant les deux joueurs, il ne faisait guère de doutes que la partie allait être bouclée largement dans les temps. Et, de fait, c'est allé vite. La première classique tombe rapidement, Jakub en tête ; Jan refait une partie de son retard sur la diagonale mais Jakub conserve l'avantage. Sur la 3e grille, Jan reprend du poil de la bête et c'est lui qui entame la 4e et dernière le premier. Là, visiblement sous pression, il cède à la tentation des candidats et perd du temps au profit de Jakub qui est plus prompt à repérer le chiffre salvateur. Il en termine en 10'03, contre 11'11 pour Jan. Le duel aura en tout cas été des plus haletants et aura certainement rappelé des souvenirs aux personnes présentes lors des WSC 2010.
La finale, retransmise en direct sur deux grands écrans. À gauche Jan, à droite Jakub.
Jakub inscrivant les deux derniers chiffres de la dernière grille de la dernière épreuve....
Jakub remporte sa première victoire sur un tournoi papier de cette importance, et c'est amplement mérité. Jan rappelle que, même s'il a été absent du circuit quelque temps, il est quasiment intouchable sur les variantes de difficulté modérée. Enfin, Thomas fait une nouvelle fois la preuve de son exceptionnelle polyvalence. Kota Morinishi vient quant à lui jouer les trouble-fêtes en s'emparant de la 3e place grâce à un tournoi exemplaire...
23 mai : ET retour maison.
Fin de l'expérience. Pour un premier tournoi international, je pense pouvoir m'estimer satisfait. Mes 6 premières épreuves ont été tout justes passables, émaillées d'erreurs comme à mon habitude, mais un bon 7e round me sauve et une demi-finale en état de concentration maximale m'offre une 5e place tout à fait acceptable compte tenu de la redoutable concurrence. L'organisation de l'événement s'est avérée impressionnante (après tout il faut bien que l'argent serve à quelque chose), les grilles étaient globalement excellentes, en particulier les classiques dont j'attendais beaucoup. Sur celles-ci, rien de plus que du doublet, du triplet et de l'alignement, mais bien entendu dissimulés de façon suffisamment subtile pour résister près de 3 bonnes minutes aux meilleurs joueurs du monde.
Les principales faiblesses du tournoi ont déjà été évoquées, notamment par Thomas Snyder sur son propre blog. La demi-finale était globalement plus facile que les rounds précédents, et la finale encore davantage, ce qui ne paraît pas particulièrement logique. Je tempèrerais toutefois ces critiques en ce qui concerne la demi-finale, dont la facilité était en partie due à la présence de trois grilles classiques, dont deux vraiment aisées. Il n'a certainement pas fallu plus de 6 minutes à Jakub pour résoudre les 3 classiques, ce qui lui en a laissé au moins 20 pour les 5 variantes. L'on arrive à une moyenne d'un peu plus de 4 minutes par variante sur cette épreuve ; cela en fait des grilles de difficulté modérée, mais certainement pas des grilles faciles. Parler de sprint est donc abusif. Pour autant, je ne serais pas le dernier à avoir préféré une épreuve un peu plus coriace, ce qui aurait certainement pu être obtenu facilement (en corsant les grilles classiques, la chao et la 0/9 par exemple).
Autre point noir, plus ennuyeux à mes yeux : les deux finalistes se trouvaient dans une petite salle attenante à celle réservée au public et ne disposaient - pour autant que je sache - d'aucun casque les isolant du bruit extérieur. Or, une bonne partie du public ayant eu la regrettable idée d'applaudir chaque fois que l'un des joueurs terminait une grille en tête, le retardataire entendant cela savait exactement où en était son concurrent, et qu'il lui fallait redoubler de vitesse pour ne pas se laisser distancer - autant de stress en plus sur les épaules... Mais nul tournoi n'est parfait.
Enfin, cela aura été l'occasion de découvrir (brièvement) la Chine, une occasion qui ne se présente pas tous les jours ; de rencontrer physiquement nombre de joueurs/ses parmi lesquel(le)s Rishi, Gaurav, Ritesh, Sumit, Tom, Mike, Tawan, Sinchai, Andres, Yuhei, Hideaki, Vladimir, Lucus, Henning, Vitezslav, pour ne citer que ceux avec qui j'ai eu le temps d'échanger quelques mots ; d'assister à l'accouchement de Byronnosaurus Calver donnant naissance à ce qui deviendra probablement l'hymne des sudokas du monde entier....
Ah, et puis il y a eu ça aussi :
Remise des prix... cash !
Au plaisir de renouveler l'expérience !
Un grand BRAVO à toi.
RépondreSupprimer-Belle salle mais je trouve plus bien plus belle celle de Trébeurden).
- pour les dollars nous ne connaissons pas cette monnaie à Trébeurden.
Il faut bien dire que la salle de Trébeurden n'est pas la première venue... Mais rien de plus normal, elle est à la hauteur de l'événement exceptionnel qu'est ce tournoi. D'ailleurs, je suis allé en Chine avant tout pour me consoler de ne pas pouvoir participer au tournoi de Tréb ! :-)
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