dimanche 20 novembre 2011

20e WPC - Rien n'est trop difficile pour la jeunesse


Suivant le 6e WSC, le 20e WPC constituait un événement particulier puisqu'il était rien moins que le troisième évènement du genre organisé par la Hongrie. Des surprises étaient à attendre ; des surprises il y eut.
À l'opposé du WSC, je n'étais là qu'en touriste - membre de l'équipe B et sans ambition particulière - mais en touriste passionné et décidé à profiter du spectacle. Après une journée de "repos" consacrée notamment à visiter les environs ainsi qu'à la remise des prix du WSC (dans une grotte - avais-je parlé de surprises ?), c'est le jeudi matin que débutaient les 15 épreuves qui allaient mener à l'inscription d'un nouveau nom au palmarès du WPC.

Épreuve 1 - In memoriam (30')
Cette première épreuve est dédiée à plusieurs personnalités du monde des jeux de logique, ayant notamment contribué aux précédents championnats du monde en Hongrie (en 2005), et décédées depuis. 14 grilles de difficulté raisonnable, mais déjà quelques beaux morceaux. J'attaque assez tranquillement, comme beaucoup de monde : 170/400 ; seul Ulrich Voigt dépasse les 300.

Épreuve 2 - Assorted puzzles (60')
36 grilles, pas moins ! Une alternance de grands classiques (Battleships, LITS, Cave), de variations (Skyscrapers varia, Hexa loop) et de jeux moins courants, à l'approche parfois délicate (Rectangles). Je me concentre sur ce que je connais mais la quantité de grilles est vraiment trop importante et je n'ai même pas le temps de regarder certaines pages. 350/885, et maximum de 630 pour Palmer Mebane. De toute évidence, la longueur des épreuves a été passablement sous-estimée et il va donc falloir faire des choix, y compris pour les meilleurs.

Épreuve 3 - Cows (50')
10 minutes de moins, mais quatre fois moins de grilles. Épreuve sur le thème des vaches, donc... Le puzzle de base, simplement dénommé "Classic Cows", n'est en fait rien d'autre qu'un Star Battle. Les jeux suivants s'en inspirent plus ou moins. Les grilles sont belles dans l'ensemble, mais un premier problème apparaît avec une grille fausse (Knights). Résultat assez moyen pour ma part étant donné le temps perdu à recommencer celle-ci plusieurs fois. 185/420 ; maximum de 390 pour Peter Hudak.

Je ne me rends compte qu'aujourd'hui, mais toutes proportions gardées j'avais relativement bien débuté ce championnat puisque à l'issue de l'épreuve 3 j'étais le joueur français le mieux classé. Les choses se sont un peu gâtées par la suite.

Épreuve 4 - Borderless (30')
L'épreuve 4 est probablement la plus redoutée de ce WPC (avec peut-être l'épreuve 15, par équipes). 9 grilles sont proposées, de différents types (Skyscrapers, Easy as ABCD, Snake...) et de taille variant entre 8x8 et 25x25. La tâche consiste, pour chacune de ces grilles, à en isoler une portion, laquelle doit former une grille valide compte tenu des indices. Ainsi, dans le cas du Skyscrapers, il s'agit de repérer une zone carrée de 5x5 cases au sein d'une grille de 12x12 - et de la résoudre, bien entendu. Je viens à bout de deux grilles dans le délai, soit un total de 100/430 - je n'espérais pas mieux et avais surtout à coeur d'échapper au zéro, vite récolté sur une épreuve de ce genre. 295 pour Palmer.

Épreuve 5 - Evergreens (70')
18 grilles, uniquement des jeux communs ou du moins connus... La traditionnelle épreuve sans surprise faisant la part belle aux joueurs bien entraînés.
Or, étonnement général à la vue des grilles : toutes ou presque sont d'une conception à ce point originale que nos réflexes en sont brouillés et que l'approche traditionnelle n'a plus la moindre chance de mener à quelque chose. Nous avons entre autres affaire à : un Arrows de taille 2x2, entouré de 8 cases à remplir ; un Heyawake (Heyawacky, plutôt) constitué de 4 zones aux indices de 8, 9, 11 et 13 ; un Mastermind constitué uniquement de points noirs et blancs ; un Skyscrapers 9x9 contenant les chiffres de 1 à... 2 ; un Slitherlink ne contenant que des 0 ; deux Scrabble dans lesquels ne placer que des O ; et enfin un Magic snail en forme de... devinez.
Plus par stress qu'autre chose, je sèche sur de nombreuses grilles et en zappe d'autres qui, la surprise passée, étaient en réalité tout à fait jouables. 245/750, 645 pour Thomas Snyder et le début de la dégringolade pour moi. L'épreuve était en tout cas d'une originalité remarquable et la construction de la plupart des grilles irréprochable. Un des moments forts de ce championnat.

Épreuve 6 - Board games (équipes - 40')
Pour cette première épreuve par équipes, nous nous voyons remettre huit jeux de plateaux : Tangram, Abalone, etc. À chaque jeu est associé un puzzle, à résoudre à l'aide des pièces du jeu en question. Un concept original et fort bien exploité (et à même de contenter les sponsors, je suppose). La difficulté des jeux est assez variée : le Rummikub tombe en quelques instants, le Digit et le Pentago Black and White ne résistent pas longtemps à Frédérique ; le Tangram Battleships et le Terc semblent coriace et nous les laissons finalement de côté ; Finalement nous consacrons la plus grosse partie de notre temps à l'Abalone S-Policy, dont nous venons finalement à bout, et au Makao mio Skyscrapers, sur lequel quelques minutes nous auront manqué (probablement de la faute d'une erreur de ma part). Les 40 minutes se sont écoulées extrèmement vite et nous n'avons pas abordé le dernier jeu (Callisto Loop) dont j'avais pourtant prévu de m'occuper. Score de l'équipe : 400/800, un résultat honorable, quoiqu'à des lieues de l'équipe USA-A (1160).

Épreuve 7 - Naval puzzles (équipes - 60')
Suivant immédiatement la première, deuxième épeuve par équipes. Un seul jeu cette fois, mais quel jeu ! Un mélange de Snake, Islands, Anglers et Lighthouses au sein d'une grille géante 30x30. Nous allons être quatre à plancher dessus simultanément ; ou plutôt trois, car à tour de rôle, nous allons avoir la possibilité de nous isoler du reste de l'équipe afin de résoudre une grille individuelle, laquelle est susceptible de nous procurer des indices pour la grille commune. La stratégie est de la partie : vaut-il mieux conserver toutes nos forces ou partir à la pêche aux indices, au risque que le joueur désigné se retrouve dans une impasse faute de venir à bout de sa grille ? Nous optons pour la seconde solution, sachant qu'il est possible à tout moment pour le joueur isolé d'abandonner sa grille en cas de problème et de rejoindre l'équipe. Nous avançons tranquillement mais Frédérique, puis moi, qui sommes les deux premiers à partir à la pêche, sommes confrontés à des grilles individuelles à la difficulté assez élevée et mettons un certain temps à rapporter nos indices. Yannick puis Sylvain font heureusement plus vite, et nous progressons par ailleurs relativement bien sur la grille. Allemagne-A et Japon-A en finissent, mais juste dans les temps. Nous nous en tirons avec 586/1600, un score correct.

Épreuve 8 - Screentest (30')
Les screentests sont une constante des WPC. Ils consistent en une série d'exercices s'enchaînant sur un écran géant, à résoudre de tête. Le screentest typique comprend des exercices de type labyrinthe, calcul mental, dénombrement...
Nous n'avons certes pas eu affaire à un screentest typique. Les jeux en eux-mêmes étaient des standards. Mais de même que lors de l'épreuve 5, les organisateurs se sont fendus d'une présentation à même de déstabiliser les joueurs les mieux rodés. Le puzzle 2 était ainsi un simple labyrinthe, et même un labyrinthe des plus simples. À ceci près qu'il était en rotation. Le 10 nous demandait de compter une douzaine de disques noirs, agencés en cercle, à la façon des étoiles du drapeau européen. Tous de même taille, bien distincts, et en nombre très raisonnable donc. Mais allez déterminer si vous avez devant les yeux 12 disques ou 13, lorsque, là encore, ils sont animés d'un mouvement de rotation... J'ai parié 12 ; ils étaient 13.
Comme toujours lorsque je dispose d'un délai court et précis pour réaliser un exercice, l'essentiel de mon attention s'est porté sur la barre qui symbolisait le temps restant. Je passe ainsi à côté de la plupart des jeux et hérite d'un score lamentable : 75/200. Annick Weyzig et Jason Zuffranieri frôlent le score parfait avec 185.

Épreuve 9 - Sprint (30')
Peu de points à engranger, mais une épreuve supposée me convenir étant donné ma bonne vitesse globale. 4 grilles de 5 types, dont 4 classiques (Numberlink, Fragmented loop, Shikaku et Yajilin) et 1 moins courant : Ariadne's thread. Je viens à bout de 15 grilles en un temps très raisonnable, puis bute irrémédiablement sur le dernier Numberlink et sur les Ariadne's thread, jeu que je n'avais jamais essayé et qui de toute évidence ne me convient pas le moins du monde. 220/300 et beaucoup de temps gâché ; 375 pour Palmer.

Épreuve 10 - Divide and conquer (30')
Originale, cette épreuve est consacrée à un seul type de jeu ; le principe en lui-même est assez discutable car il fait peser beaucoup sur un unique exercice, mais force est de constater que l'exploitation était efficace. Les auteurs (Zoltan Horvath pour l'essentiel) ont réussi, à partir d'une règle fort peu contraignante, à dessiner de très belles grilles à la résolution des plus inhabituelles. Je m'en tire de façon satisfaisante avec 160/400 (inatteignables). Tatsuya Yamamoto pointe à 310.

Épreuve 11 - Magic 11 (44')
Supposée démarrer à 11:11:11 le 11 novembre (quelques minutes plus tard en réalité, les aleas de l'organisation...), cette épreuve est articulée autour d'un nombre que je vous laisse deviner. 11 grilles, là encore de belle facture, et quelques beaux morceaux. Je sèche lamentablement sur certaines des plus côtées et dois me rabattre sur les petites ; malheureusement l'une d'entre elles s'avère avoir plusieurs solutions et je lui consacre donc plusieurs minutes en pure perte. 110/550, une opération des plus mauvaises - proportionnellement parlant, mon épreuve la plus faible. Ulrich atteint les 560.

Épreuve 12 - Hungaricum (80')
La partie 12 est la plus longue et la plus chère du championnat, WSC et WPC confondus : 80 minutes pour 1115 points théoriques et 42 grilles. Certes, personne n'envisage que quelqu'un va résoudre l'ensemble des grilles ; de fait, on en sera assez loin. Les jeux ne sont pas inédits mais tout de même peu répandus et personne ne les maîtrise donc à la perfection. Le choix est si vaste que je suis encore une fois obligé de laisser de côté plusieurs pages, dont certaines contiennent pourtant des jeux sur lesquels je pense me défendre. Je pioche à droite et à gauche de façon assez maladroite et engrange 280 points sans gloire. Ulrich est premier avec 870.

Épreuve 13 - Innovatives (60')
27 grilles. Nous connaissons le truc : faire le bon choix. Je me concentre sur des jeux relativement longs, mais que je sais maîtriser : Sudoku snail, False skyscrapers, Pentopia... Tactique efficace : je récolte 340 points sur 940, un score nettement meilleur que celui de la plupart des autres joueurs de mon rang (très exactement le contraire du round précédent). Maximum 520 pour Nikola Zivanovic.

Épreuve 14 - Best of (60')
Nous n'avions rien vu. Cette partie "bonus" est composée des grilles n'ayant pas été retenues pour les épreuves précédentes. Plutôt que de gâcher, les organisateurs les ont réunies en un livret de 21 pages constituant le dernier round individuel. 60 minutes. 77 grilles. 10 points par grille, indépendamment de leur difficulté (peu élevée dans l'ensemble, mais variable).
Et c'est parti pour un sprint d'une heure ; les meilleurs enchaînent les grilles à la vitesse de près d'une par minute ; Ulrich en termine avec 600 points. Je fais moitié moins.

Fin de la deuxième journée et des épreuves individuelles, hors play-offs. L'état général au sortir de cette épreuve peut probablement se résumer en un mot : repu.

Enfin, samedi matin, dernière épreuve par équipes. Pas des plus simples, qui plus est.

Épreuve 15 - Wrong puzzles ! (équipes - 60')
8 grilles... fausses. À ces grilles sont associés 8 carrés de papier de taille 4x4 comportant des indices chiffrés pouvant correspondre à n'importe laquelle des grilles précédentes. À nous la tâche de relier chaque carré "correcteur" à sa grille, de le placer au bon endroit et de résoudre la grille valide ainsi obtenue. Difficile, mais passionnant. Nous entamons d'emblée par le Product skyscrapers car il est le seul à posséder des indices extérieux, c'est-à-dire forcément justes. Yannick, Sylvain et Frédérique joignent leurs forces pendant que j'entame le Arrows. J'y avance mais me retrouve bloqué ; j'aide mes coéquipier(e)s à en finir avec le Skyscrapers puis Frédérique et moi nous chargeons du Minesweeper Pento ; malgré une erreur, nous en venons également à bout. Le temps nous manquera pour en faire plus, mais nous entamions l'épreuve sans grande confiance et nous en sortons finalement avec deux grilles correctes : par, dirons-nous.

Enfin derechef, c'est la finale. Les 10 premiers ne sont pas franchement des inconnus, et le top 3 est celui que je (et de nombreux autres sans doute) prophétisais : Ulrich Voigt, Palmer Mebane, Thomas Snyder. Le complètent Hideaki Jo, Bram de Laat, Peter Hudak, Nikola Zivanovic, Roland Voigt, Wei-Hwa Huang et l'invité surprise de l'année, Neil Zussman du Royaume-Uni. À noter que l'allemand Michael Ley est 7e à l'issue des épreuves... mais sa présence en tant que joueur non-officiel le prive de finale. Il aura toutefois droit à un prix de consolation judicieusement choisi - comprenez un tonneau de bière.
Le principe des play-offs est le même que pour le sudoku, à ceci près que les grilles seront de 9 types différents. Ulrich démarre le premier, suivi après un peu plus de deux minutes par Palmer puis par Thomas, et ainsi de suite.
Ulrich part à son rythme habituel... soutenu. Il avance avec régularité et sans sembler rencontrer de réel problème jusqu'à la 8e grille ; là, alors que Palmer l'avait jusqu'ici suivi de près mais sans parvenir à recoller, ce premier bute sur un Divide and Conquer qui s'avère retors - nous avions pu constater sur l'épreuve 10 qu'il était possible de créer des grilles passablement résistantes à partir de cette règle anodine. Palmer prend place à son tour à la 8e table alors qu'Ulrich peine toujours ; et pour le plus grand plaisir d'une audience toujours avide de coups de théâtre, il casse la grille alors que le multiple champion du monde semble ne jamais devoir en voir le bout. La dernière grille est un Password path ; difficile d'après le compte-rendu de Palmer, qui résout pourtant cet ultime puzzle en un souffle, Ulrich toujours luttant contre sa bête noire. Thomas Snyder est entre temps passé par là, et a à son tour résolu la grille 8 et entamé la 9. Mais dans un ultime sursaut, Ulrich casse finalement le Divide and conquer et avale le Password, privant les États-Unis d'un doublé or/argent. Thomas termine troisième devant son autre compatriote Wei-Hwa Huang, suivi de Hideaki Jo qui cumule donc les places de 4e au WSC et 5e au WPC.
Il était attendu, et il n'a pas déçu : Palmer Mebane remporte le WPC à sa deuxième participation, après une progression incomparable au cours de l'année 2011.

J'en termine paisiblement en 52e position ("non-officielle" puisque membre de l'équipe B nationale). Pas de quoi pavoiser mais je n'étais certes pas là pour faire du chiffre ; bien plutôt afin de goûter l'expérience. Le tournoi s'est avéré passionnant, d'une grande richesse. Toutes mes félicitations vont à l'équipe d'auteurs qui ont accompli un beau travail, et même proprement fabuleux sur certaines épreuves ; enfin, chapeau bas à toutes les personnes ayant assumé les tâches ingrates de distribution/ramassage des épreuves, correction et autres.

Fin d'une semaine intense et exaltante ; l'attente va être longue jusqu'aux prochaines qualifications, et plus encore jusqu'aux championnats. J'espère être à nouveau présent aux deux l'an prochain - l'avenir le dira. D'ici là, si vous avez l'intention de vous faire une place dans l'une ou l'autre équipe de France, je vous engage à ne pas perdre de temps et à entamer l'entraînement dès aujourd'hui ; nul ne niera que c'est un travail de longue haleine, et je peux maintenant certifier que - si vous me passez l'expression - le jeu en vaut la chandelle. Un message suivra sur le sujet.

Oh - et merci si vous avez eu le courage de tout lire. Je pensais vraiment faire plus court que pour le WSC, mais quand l'enthousiasme est là...

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